Pourquoi le village des irréductibles gaulois parvient-il à résister aux assauts des troupes de Jules César et pourquoi Astérix n’est-il pas le chef de ce village ?

Quelques éléments de réponse mettant en perspective une théorie du management.

 

Dans « 100 ans de management »*, Bruno Jarrosson présente une analyse du pouvoir et du leadership au travers du prisme des principaux personnages du village des irréductibles gaulois imaginés par René Goscinny et Albert Uderzo.

Cette analyse, elle-même empruntée à Yves Enrègle*, s’attache à démontrer que la force de ce groupe et sa capacité à résister victorieusement à l’envahisseur s’expliquent par la combinaison de 5 types de pouvoirs.

Le pouvoir de compétence

La compétence la plus importante dans le contexte d’affrontements que vivent au quotidien les habitants de ce village est la force. A ce titre, le pouvoir de compétence est détenu par Obélix qui, tombé dans la marmite de potion magique quand il était petit, jouit d’une force absolue.

Mais cette force physique est assortie d’un déficit d’intelligence et de discernement qui ne lui permettrait pas d’accéder à des fonctions de commandement et de gouvernance.

Le pouvoir d’expertise

Astérix, contrairement à Obélix, ne dispose pas d’une force naturelle mais dispose d’un esprit malin et d’une intelligence vive. C’est pourquoi c’est à lui que sont confiées toutes les missions délicates et périlleuses.

Toutefois, s’il réussit à mener à bien ces missions c’est grâce à l’aide et à la force d’Obélix. Certes les 2 comparses sont amis mais l’expertise et le pouvoir d’Astérix n’existent que s’ils sont reconnus et acceptés par Obélix qui ne se gêne d’ailleurs pas pour les contester de temps à autres.

Les relations entre Astérix et Obélix sont donc instables par nature et ont besoin d’être régulées.

Le pouvoir administratif

Ce pouvoir est détenu par Abraracourcix auquel il appartient de réguler les relations entre le pouvoir de compétence et le pouvoir d’expertise, entre Obélix et Astérix.

Comme son nom l’indique, Abraracourcix n’a pas le bras long, il ne peut pas grand-chose et ne dispose ni de la force d’Obélix ni de l’intelligence d’Astérix, ni du charisme de Panoramix.

Il ne tient son pouvoir que de son statut de chef. Ce pouvoir relève du symbole (il est porté sur un bouclier) mais cette position même comporte un fort risque d’instabilité…

Le pouvoir charismatique

Comme le note Bruno Jarrosson, « Panoramix n’est rien dans l’organigramme du village, sauf qu’il est le druide, hors cadre. »

Bien sûr il détient des secrets (dont la très précieuse recette de la potion magique) mais ce n’est pas uniquement pour cela qu’il est respecté et écouté. C’est lui qui régule les relations dans le village si le pouvoir statutaire du chef est mis à mal.

Son pouvoir à lui n’est jamais remis en cause car il ne repose sur rien de particulier, il ne s’explique pas et pour cette raison, ne se discute pas. On le croit pour ce qu’il est et il n’a rien à prouver.

Le pouvoir de l’intégrateur négatif

Lorsqu’une zizanie s’installe entre les acteurs, le village a une assurance tous risques contre la désunion en la personne du barde Assurancetourix. Il suffit qu’il commence à chanter pour que tout le monde se mette d’accord pour l’en empêcher ce qui rétablit l’unité du groupe.

Il assume la fonction de bouc émissaire dont on connaît le rôle crucial dans la vie des groupes.

 

Selon ces auteurs, un leader devrait donc cumuler ces différents pouvoirs, sauf le dernier bien sûr !

Toutefois, le pouvoir de l’intégrateur négatif étant essentiel au maintien de la stabilité du groupe et à l’assise du pouvoir et de l’autorité du chef, il n’est pas rare que le rôle du bouc émissaire soit joué par des personnes qui n’ont rien demandé et qui ne chantent même pas faux…

Cette petite illustration a le mérite de présenter une certaine modélisation du leadership et de mettre en évidence l’importance de la construction d’équipe qui seule peut permettre l’articulation et la combinaison de ces différentes qualités.

* « 100 ans de management » Bruno Jarrosson Dunod, 2000

* « Du conflit à la motivation » Yves Enrègle Editions d’Organisation, 1985