La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 dite loi de transformation de la fonction publique a, dans son article 30, instauré les lignes directrices de gestion dans les trois versants de la fonction publique.

Concernant la fonction publique territoriale, les LDG sont intégrées dans la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans un article 33-5 qui dispose que « Dans chaque collectivité et établissement public, des lignes directrices de gestion sont arrêtées par l’autorité territoriale, après avis du comité social territorial. Les lignes directrices de gestion déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque collectivité et établissement public, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les lignes directrices de gestion fixent, sans préjudice du pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d’un motif d’intérêt général, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours. L’autorité territoriale communique ces lignes directrices de gestion aux agents. ».

Pour mieux cerner et comprendre ce que sont ces LDG, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur leur nature et leur portée juridiques. Cette analyse nous permettra d’identifier les points de vigilance à respecter dans leur définition et leur application.

Les LDG constituent une illustration des règles de droit souple.

Qu’est-ce que le droit souple ?

Le « droit souple », contrairement au « droit dur » qui se définit par son caractère obligatoire et contraignant, est constitué de règles non pas impératives mais indicatives dont la vocation est d’orienter, proposer et recommander.

Ces règles, de plus en plus nombreuses, se rencontrent dans les secteurs public et privé et dans toutes les branches du droit.

A titre d’exemples, les communiqués, recommandations de bonnes pratiques, avis, chartes, codes de bonne conduite, schémas, plans et les lignes directrices entrent dans cette catégorie du droit souple.

Devant leur multiplication, le Conseil d’État a encadré cette pratique depuis 2013.

Il propose à cet égard une définition* du droit souple. « Il s’agit de l’ensemble des instruments répondant à trois conditions cumulatives :

  • ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;
  • ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;
  • ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit ».

Les objectifs des règles de droit souple

Les principaux objectifs du droit souple sont d’une part de lutter contre l’inflation normative et la profusion de règles juridiques applicables dans tous les domaines et d’autre part le souci de simplification puisque les règles de droit souple échappent au formalisme qui s’impose aux normes juridiques.

Les observateurs soulignent en outre que, malgré l’absence de caractère impératif qui les caractérise, les instruments de droit souple ont souvent prouvé leur efficacité. Ils soulignent notamment que le seul fait d’exprimer une analyse ou une orientation peut parfois suffire à influer sur le comportement des acteurs économiques.

C’est sans aucun doute l’objectif recherché par le législateur qui a instauré les lignes directrices de gestion dans la fonction publique. Alors que le statut de la fonction publique est souvent critiqué pour sa rigidité, les LDG doivent permettre aux administrations, tant dans leur méthodologie d’élaboration que dans leur formulation, de définir des orientations et fixer le cadre des actions à mener adaptées à leurs situations et problématiques.

Les objectifs des LDG

Les lignes directrices de gestion portent sur deux axes principaux :

  • l’emploi : définition d’une stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, notamment en matière de GPEEC,
  • la carrière : orientations et critères généraux en matière de promotion et de mesures favorisant l’évolution professionnelle et l’accès à des responsabilités.

En instaurant ces LDG, le législateur entend amener toutes les administrations publiques à définir et formaliser leur politique de GRH et à élaborer une stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEEC).

Dès 2002 le gouvernement avait donné des directives aux ministères pour qu’ils initient et mettent en œuvre des démarches de GPEEC. Ces directives, qui se sont poursuivies régulièrement au fil des ans, ne s’appliquaient qu’à la seule fonction publique d’Etat, les deux autres versants (fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale) disposant d’une autonomie de gestion.

On peut donc considérer que cette obligation faite à l’ensemble de la fonction publique d’élaborer ces lignes directrices de gestion constitue le moyen d’amener toutes les administrations à mettre en place une démarche de GPEEC, et plus généralement à développer une gestion de leurs ressources humaines plus cohérente et plus dynamique.

Portée juridique des lignes directrice de gestion et points de vigilance

Du fait de leur absence de caractère impératif, les LDG ne peuvent en principe faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

Il nous semble cependant important d’attirer l’attention sur deux points principaux quant à la définition et l’application des LDG.

La définition des LDG

Les LDG ne peuvent avoir un caractère impératif puisqu’elles relèvent du droit souple. Par conséquent, il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas trop précises et que leur formulation leur confère bien uniquement un caractère indicatif.

Le non-respect de cette règle exposerait à un recours pour excès de pouvoir. Ce risque est évoqué dans un article de la Gazette des communes* qui présente les LDG comme un « outil potentiellement source de contentieux ».

Cet article fait notamment référence à la jurisprudence du Conseil d’Etat « qui est de plus en plus accueillant à l’égard de mesures dépourvues d’effets juridiques propres mais qui produisent des effets notables d’une autre nature », sa volonté étant « d’ouvrir le droit au recours contre les actes servant de référence à l’administration dans l’exercice de ses compétences ».

D’un point de vue pratique, cela signifie que la définition des LDG devant rester très générale, elle ne constitue qu’une première étape, il faut ensuite les décliner en plans d’actions.

C’est là que réside l’incitation à laquelle nous faisions référence précédemment : la définition des lignes directrices de gestion doit être précédée d’une analyse des ressources détenues et des évolutions prévisibles. C’est donc en demandant aux administrations de faire cet état des lieux et d’en déduire des axes d’intervention structurants que le législateur veut les amener à faire évoluer leurs pratiques en matière de gestion des ressources humaines et notamment à mettre en place des démarches de GPEEC.

La mise en application des LDG

Le deuxième axe des lignes directrices de gestion servant de base a des décisions individuelles en matière de déroulement de carrière doit également faire l’objet d’une attention toute particulière.

Ces LDG ont pour objectif de définir des orientations et des critères qui, pour être applicables et garantir une égalité de traitement entre agents, doivent offrir un cadre d’appréciation suffisamment clair.

Leur application devient alors très délicate : elles ne doivent pas avoir de caractère impératif mais leur respect s’impose toutefois à l’autorité territoriale sous la réserve essentielle mentionnée dans l’article 33-5 de la loi du 26 janvier 1984 « des situations individuelles, des circonstances ou d’un motif d’intérêt général ».

Autrement dit, dans le cas où un agent attaquerait une décision qui ne respecterait pas les indications fixées par les LDG, l’autorité territoriale devra être en mesure de justifier de circonstances particulières ou d’un motif d’intérêt général.

 

Notes

*Etude annuelle du Conseil d’Etat (2013)

* « Les lignes directrices de gestion, à manier avec précaution » La Gazette des communes 26 août 2020

Pour en savoir plus sur le droit souple :

Quelques références de présentations et guides de mise en œuvre des lignes directrices de gestion :