Comme nous le précisions dans notre précédent article relatif au cadre juridique du télétravail, cette forme d’organisation du travail a fait son apparition dans la fonction publique en 2012 (loi n°2012-347 du 12 mars 2012).
Un bilan réalisé par la DGAFP en 2018 sur la mise en place du télétravail dans les trois versants de la fonction publique faisait toutefois apparaître que, même si l’on constatait une progression notable depuis 2013, les initiatives de télétravail étaient peu nombreuses et se déployaient essentiellement sous le régime de l’expérimentation.
Un récent article du Monde en date du 26 octobre 2020 (« La difficile mise en place du télétravail dans la fonction publique ») révèle que le taux d’agents publics de l’Etat qui travaillent depuis leur domicile au moins un jour par semaine est de 28%.
Le confinement général déclaré en mars 2020 et l’impossibilité pour les agents publics de se rendre sur leurs lieux de travail a donc propulsé le télétravail sur le devant de la scène et a amené les administrations publiques à mettre en place dans l’urgence et dans un climat de stress, une nouvelle organisation du travail à laquelle elles n’étaient pas ou très peu préparées.
La mise en œuvre du télétravail nécessite pourtant analyse et réflexion préalables et doit être appréhendée en « mode projet ».
Le sujet reste aujourd’hui d’actualité et la mise en place du télétravail dans les collectivités, de façon plus structurée et plus réfléchie, constitue une priorité pour la plupart d’entre elles.
La DGAFP avait, en mai 2016 suite à la parution du décret du 11 février 2016, édité un « Guide d’accompagnement de la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique ».
Même si depuis, ce texte a été modifié par le décret n°2020-524 du 5 mai 2020, les conseils et méthodologie qu’il contient restent d’actualité.
La déclinaison du cadre règlementaire
Dans la fonction publique territoriale, cette déclinaison prend la forme d’une délibération de l’organe délibérant.
Cette délibération ne constitue toutefois pas un préalable à la formulation d’une demande d’autorisation par un agent puisque cette faculté est offerte depuis la loi de 2012. Un agent peut donc demander à télétravailler quand bien même l’organe délibérant n’a pas encore pris de délibération fixant les modalités du télétravail au sein de la collectivité.
La vocation de cette déclinaison est précisément de fixer le cadre général dans lequel vont s’inscrire les pratiques de la collectivité en la matière afin de garantir une mise en œuvre équitable et harmonieuse et éviter le traitement des demandes au fil de l’eau.
Le contenu de la délibération est fixé par le décret de 2016 modifié par le décret de 2020 :
- Les activités éligibles au télétravail,
- La liste et la localisation des locaux professionnels éventuellement mis à disposition par l’administration pour l’exercice des fonctions en télétravail, le nombre de postes de travail qui y sont disponibles et leurs équipements,
- Les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d’information et de protection des données,
- Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé,
- Les modalités d’accès des institutions compétentes sur le lieu d’exercice du télétravail afin de s’assurer de la bonne application des règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité,
- Les modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de travail,
- Les modalités de prise en charge, par l’employeur, des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment ceux des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci,
- Les modalités de formation aux équipements et outils nécessaires à l’exercice du télétravail,
- Les conditions dans lesquelles l’attestation de conformité que l’agent doit joindre à sa demande de télétravail est établie.
Il est clair, à la lecture de ces dispositions, que la mise en œuvre du télétravail doit faire l’objet d’une réflexion en amont et qu’elle doit être abordée en « mode projet ».
Les points suivants doivent, en particulier, faire l’objet d’une analyse et d’une étude préalables :
- La définition de critères d’éligibilité et l’identification des postes et fonctions pouvant être exercés en télétravail.
Si les délibérations peuvent se contenter d’indiquer les critères d’éligibilité au télétravail, il nous semble que les collectivités ont tout intérêt à approfondir cette étude et à analyser plus finement, poste par poste, les activités qui peuvent être exercées en télétravail.
Cela permettra de traiter plus sereinement les demandes formulées par les agents et de leur apporter des réponses motivées.
C’est à cette fin que nous avons intégré le télétravail au module fiches de poste de MouviTal’. Il est désormais possible d’indiquer, dans les fiches de poste et pour chaque activité, si elle est éligible ou non au télétravail. Ces informations peuvent ensuite être reprises pour étudier plus précisément les conditions dans lesquelles ces activités peuvent s’exercer en dehors du lieu de travail de l’agent.
- Les moyens nécessaires au télétravail
L’employeur doit veiller à ce que l’agent qui télétravaille dispose des outils informatiques lui permettant d’assurer ses missions :
- Ordinateurs et périphériques,
- Téléphonie,
- Logiciels,
- Outils de sécurité (antivirus et VPN, notamment),
- Imprimantes et consommables.
Il doit également fixer les conditions et modalités de configuration, de maintenance et de support technique, préciser ce qui relève de sa responsabilité et de celle de l’agent et prévoir les procédures à mettre en place pour garantir le bon fonctionnement et la sécurité des outils qu’il utilise.
- La prévention des risques professionnels
D’une manière générale, il appartient à l’employeur d’intégrer les situations de télétravail dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les risques inhérents à ces situations.
Les acteurs de la prévention pourront utilement être associés à cette étude.
Préalablement à la mise en place du télétravail, une information spécifique doit être assurée pour les agents concernés sur les risques professionnels inhérents au télétravail (risques physiques et psychosociaux), ainsi que sur les mesures de prévention individuelles et collectives mises en place par l’administration.
- Les mesures d’accompagnement
Le télétravail représente une nouvelle forme d’organisation du travail conduisant les agents et encadrants concernés à adapter leur relation professionnelle et les modalités de leur collaboration.
Le développement du télétravail au sein des administrations nécessite donc un accompagnement qui a principalement vocation à se concrétiser par des actions de sensibilisation et de formation, mais aussi par d’autres dispositifs qui peuvent intervenir en amont ou en aval de sa mise en œuvre.
- La communication interne joue un rôle essentiel dans la mise en place du télétravail.
Il est recommandé aux collectivités d’élaborer un plan de communication pour accompagner ce projet :
- Identifier les cibles (agents et managers principalement),
- Les objectifs et enjeux de cette communication
- Son contenu
- Les moyens et supports les mieux adaptés aux objectifs et contenu : réunions de préparation, supports documentaires (guides, charte, procédures,…), réunions de suivi, questionnaires,…
- La désignation d’un ou plusieurs référent(s) dédié(s) au télétravail favorise la mise en place du télétravail ainsi que son suivi en désignant un interlocuteur chargé de recueillir tous les problèmes et questions posés par cette organisation et d’y apporter des réponses et solutions en lien avec les autres services et acteurs de la collectivité.
- La formation
Le télétravail constitue une remise en question des pratiques de travail traditionnelles, tant pour les agents que pour les encadrants. Une formation est donc nécessaire pour accompagner ces changements.
- En amont de la mise en place du télétravail, des actions de sensibilisation et d’information sur les dispositions légales et règlementaires qui le régissent, ses enjeux, les conditions, modalités et procédures internes seront particulièrement utiles à tous, agents et managers.
- Une formation au télétravail à proprement parler doit également être prévue pour accompagner au mieux cette nouvelle organisation du travail.
La formation des agents portera notamment sur les modalités de fonctionnement du télétravail, leurs droits et obligations, les risques encourus et les points de vigilance liés à la spécificité de cette organisation.
Il s’agira également d’insister sur les compétences particulières qui doivent être mobilisées pour exercer leurs activités dans ce nouveau contexte.
La formation des encadrants est primordiale car les pratiques managériales, la représentation même du rôle de manager et les relations qu’il entretien avec ses collaborateurs doivent être repensées en profondeur.
- Des retours d’expériences peuvent être organisés pour évaluer les initiatives mises en place, en tirer les enseignements, permettre aux agents et aux encadrants d’échanger sur leurs pratiques afin d’en faire profiter leurs collègues et de faire évoluer l’ensemble de la collectivité.
Documentation utile sur la mise en place du télétravail
- « Le télétravail dans la FPT » Note éditée par le CDG 67, mise à jour suite au décret du 5 mai 2020
- « Adopter le télétravail » Guide pratique élaboré par la Métropole Européenne de Lille
- « 10 questions sur le télétravail » Document élaboré par l’ANACT
- « Mettre en place le télétravail » Guide pratique édité par le Plan régional d’insertion des travailleurs handicapés (PRITH) Région Centre Val de Loire
- « Guide du management à distance en situation exceptionnelle » Edité par la Région Grand Est