Comme nous le rappelions dans un précédent article1, les termes « notation » et « évaluation » ont (enfin) été remplacés par celui d’ « appréciation de la valeur professionnelle » depuis le 1er janvier 2021 dans la loi du 26 janvier 1984 et dans celle du 13 juillet 1983.

 

La notion de valeur professionnelle

Aucune définition n’est donnée de la valeur professionnelle mais l’article 4 du décret du 16 décembre 20142 précise qu’elle doit être appréciée au regard de critères définis par la collectivité :

« Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur :

1° Les résultats professionnels obtenus par l’agent et la réalisation des objectifs ;

2° Les compétences professionnelles et techniques ;

3° Les qualités relationnelles ;

4° La capacité d’encadrement ou d’expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d’un niveau supérieur. »

 

La définition des critères d’appréciation de la valeur professionnelle

Outre l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés l’année précédente, la valeur professionnelle des agents est appréciée au regard de critères définis par chaque collectivité.

Le décret de 2014 fixe le cadre de cette appréciation en déterminant quelques axes qui seront déclinés en critères : compétences professionnelles et techniques, qualités relationnelles, capacité d’encadrement ou d’expertise, auxquels s’ajoute la « manière de servir » évoquée dans son article 3.

La définition de ces critères est un exercice délicat :

  • D’un côté, ces critères doivent avoir un caractère général et transversal pour s’appliquer à l’ensemble des agents et garantir ainsi une certaine homogénéité de l’évaluation sur la collectivité.
  • Mais ils doivent également prendre en compte la nature des tâches confiées à chaque agent et son niveau de responsabilité comme le prévoit l’article 4 du décret de 2014 susmentionné.

Même si certaines collectivités optent pour des grilles de critères différentes (notamment pour les agents encadrants et non encadrants), cela ne résout pas tous les problèmes.

Il est donc primordial que les managers, lors de cette évaluation, précisent et argumentent les appréciations qu’ils portent sur leurs collaborateurs afin de replacer ces critères dans le contexte de travail qui leur est propre et de leur donner tout leur sens.

Pour ce faire, ils doivent se référer à la fiche de poste de l’agent comme nous l’avons développé dans un précédent article. 3

Cette référence à la fiche de poste de l’agent permettra ainsi d’identifier quelles sont les compétences professionnelles et techniques propres aux fonctions exercées.

Le lien entre les critères généraux et collectifs d’appréciation de la valeur professionnelle dans le support d’entretien et les compétences figurant dans la fiche de poste de l’agent est donc indispensable.

Il nous semble par ailleurs souhaitable de distinguer les critères portant sur l’évaluation des compétences des autres critères que peut définir la collectivité.

 

L’évaluation des compétences

La collectivité définit les critères qui lui semblent importants et sur lesquels repose la valeur professionnelle de ses agents.

Mais que sont censés évaluer les managers ? Les critères eux-mêmes ou les compétences qui permettent aux agents de remplir ces critères et de répondre aux attentes de la collectivité ?

La nuance est importante à plusieurs égards.

En premier lieu, les critères étant généraux, ils donnent souvent lieu à des interprétations différentes d’une personne à une autre, ce qui nuit à une homogénéité des pratiques et des résultats de l’entretien professionnel.

Par ailleurs, évaluer les critères se solde souvent par un constat plus ou moins argumenté (et se réduit parfois à une croix dans une case).

Évaluer les compétences, c’est autre chose : c’est rechercher les causes pour lesquelles une personne ne remplit pas pleinement les critères. Il est alors possible d’identifier des besoins de compétences et d’envisager des actions pour combler ces écarts.

Pour permettre une réelle évaluation des compétences, il est donc nécessaire d’identifier, d’une part à quelle(s) compétence(s) renvoient les critères considérés, et d’autre part en quoi ces compétences consistent précisément sur le poste occupé par l’agent.

Ce sont ces compétences qui doivent alors faire l’objet d’une évaluation. Seule cette démarche permet de concilier les aspects généraux et individuels des critères de la valeur professionnelle.

Par ailleurs, pour garantir à la fois objectivité et équité, une approche transverse et partagée de la compétence est indispensable. Nous détaillerons ce point dans un prochain article.

 

La manière de servir de l’agent

L’article 3 du décret de 2014 prévoit que l’entretien professionnel porte également sur « la manière de servir » de l’agent.

Si l’évaluation des compétences constitue bien évidemment une composante de la valeur professionnelle, elle n’en est pas l’unique expression et ne doit donc pas être traitée comme telle.

D’autres indicateurs de la valeur professionnelle des agents peuvent alors être imaginés en complément de l’appréciation factuelle de l’atteinte des objectifs et de l’évaluation des compétences.

Ils relèveront plus de la « manière de servir » et porteront sur des savoir-être, comportements ou états d’esprit que l’on a pris l’habitude de désigner par le terme de soft skills : disponibilité, implication, engagement, ouverture, curiosité, coopération, ….

Ces critères ne sont pas de même nature que les compétences et ne donneront pas forcément lieu à l’identification de besoins de formation.

 

Les enjeux de l’appréciation de la valeur professionnelle

Depuis plusieurs années, les collectivités sont invitées et incitées à mettre en place des systèmes de régime indemnitaire au mérite comprenant une part variable fixée en référence à la valeur professionnelle (Prime de Fonctions et de Résultats – PFR – en 2011 et Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l’Expérience et de l’Engagement Professionnel – RIFSEEP – depuis 2014).

L’appréciation de la valeur professionnelle peut donc comporter un enjeu pécuniaire puisqu’une évaluation mitigée, voire négative est susceptible de réduire cette part variable (Complément Indemnitaire Annuel ou CIA dans le cas du RIFSSEP).

Lorsqu’il est mis en place, ce système doit, à notre sens, être manié avec beaucoup de précautions.

Comme nous l’avons vu, l’appréciation de la valeur professionnelle d’un agent porte en partie sur l’évaluation de ses compétences.

Or, l’enjeu essentiel de l’évaluation des compétences ne peut être que constructif et viser le développement de ces compétences, la finalité de l’évaluation étant l’amélioration du service rendu au public.

Cela suppose que cette évaluation soit la plus sincère possible et permette d’identifier les besoins de compétences afin de les combler, par des actions de formation, par exemple.

Établir un lien unique et direct entre évaluation des compétences et détermination du niveau de régime indemnitaire présente le risque d’affecter cette sincérité et par voie de conséquence, d’être totalement contreproductif. En effet, les managers ne voulant pas que leur appréciation ait des incidences financières sur leurs collaborateurs risquent de taire les besoins de compétences et de les priver ainsi des possibilités de faire évoluer leurs compétences.

En outre, cela reviendrait également à « sanctionner » le manque ou le besoin de compétences. Avoir besoin de développer ses compétences ne signifie pas être « incompétent », terme radical dont la connotation péjorative est particulièrement affirmée.

C’est pour ces raisons qu’il est important de distinguer les critères d’appréciation de la valeur professionnelle en fonction de leur nature et de leurs enjeux.

Pour résumer et pour conclure, on peut dire que la valeur professionnelle devrait s’apprécier autour de trois axes distincts mais complémentaires :

  • L’évaluation des compétences qui doit permettre d’identifier les écarts entre compétences requises et compétences détenues au regard des fonctions exercées ainsi que les actions à mettre en œuvre pour les combler.
  • L’appréciation de la manière de servir envisagée sous l’angle des soft skills ;
  • L’atteinte des résultats dont le constat équivaudra en quelque sorte à une évaluation de la performance (notion sur laquelle nous reviendrons dans un prochain article) mais qui devra également donner lieu à une analyse permettant de faire le lien avec les compétences et la manière de servir.

 

Notes

1 –  « L’entretien professionnel : cadre juridique et évolutions à venir » Flash-RH Novembre 2020

2 –  Décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux

3 –  « La fiche de poste : un outil RH et managérial incontournable » Flash-RH Janvier 2021